fbpx

Le parfait amour

La série des instants parfaits - Tome 4

Après avoir été séparée de son petit frère, Millie a été ballottée de foyers louches en familles d’accueil peu recommandables. Elle a accumulé les souffrances et les chagrins, mais le destin finit par la guider vers la famille Mayers qui lui ouvre ses portes et qui finit par la considérer comme l’une des leurs. Millie décide alors de laisser son passé derrière elle et de commencer une nouvelle vie.

Dave a un faible pour Millie depuis le lycée. Son père est policier. Il apprend très vite que Millie est en danger et décide de la ramener chez lui pour qu’elle soit en sécurité. La fille rebelle qui a réussi à conquérir son cœur a enfin cette deuxième chance dont elle avait besoin pour rebondir.

Dave et Millie grandissent donc ensemble sous le même toit et l’attirance évidente qu’ils ressentent l’un pour l’autre finit par les rapprocher. Les étincelles de l’amour enflamment les cœurs. Mais les secrets enfouis de Millie refont surface et sa vie est à nouveau bouleversée. Elle va devoir faire prendre à une terrible décision qui va l’obliger à enterrer les morceaux de son cœur brisé au plus profond d’elle-même.

Dave se battra pour sa meilleure amie qui est aussi l’élue de son cœur. Il va suivre les traces de son père pour faire respecter la loi. Il va aussi faire en sorte que Millie revienne vers lui. Le couple qu’ils forment réussira-t-il à triompher des épreuves et des tribulations que le destin a placées sur leur chemin ? Réussiront-ils à se retrouver ?

Suivez avec eux le chemin qui va les mener vers l’amour, un chemin rempli d'angoisse, de drames, et de rebondissements, dans Le Parfait Amour.

Remarque: Pour public averti.  Il est conseillé de lire d’abord Le Parfait Baiser qui est un prologue à Le Parfait Amour.

Disponible à:


La série des instants parfaits

Un avant-goût de Le Parfait Amour:

Chapitre 1 - Millie

— Pourquoi est-ce qu’on doit encore partir, Maman ?

— Je n’ai pas le temps de t’expliquer, ma chérie. On doit faire vite.

Ma mère fourra le peu de vêtements que nous avions dans une valise. "On doit faire vite" voulait dire que je devais me dépêcher d’aller chercher Casper — sinon, il allait être abandonné. Ça lui était déjà arrivé une fois et j'avais beaucoup pleuré. Alors maman m’avait fait un autre Casper avec le foulard blanc qui lui restait. Il ne ressemblait pas au premier, mais comme il était mon seul jouet, je l’aimais beaucoup. Je trouvai une épingle à nourrice dans l’une des petites boîtes que maman avait l’habitude d’emmener avec elle. Je pris aussi une bobine de fil et une aiguille. Elle attacha Casper à mon pull pour que je ne l'oublie plus jamais.

Ça, ça ne posait pas de problèmes. En hiver, je portais toujours ce pull. Jour et nuit. Qu’il y ait du soleil ou qu’il neige. Il faisait toujours froid chez nous.

— N'oublie pas tes bijoux, maman.

— Merci, ma chérie.

Elle jeta un coup d'œil à la boîte carrée. Elle fit une drôle de tête. J'étais trop jeune à ce moment-là pour voir les regrets et la déception dans ses yeux.

Elle me prit par la main et me fit descendre de la remorque. Combien de temps allions-nous rester dans ce nouvel endroit où maman allait nous emmener ? Pour moi, le foyer était tout sauf une chose fixe.


Temps présent

Des lumières rouges et bleues scintillaient dans mon rétroviseur. Dans mes veines, mon sang charriait la peur à une vitesse encore plus grande que celle affichée sur le compteur. Mon pied ne quittait pas la pédale d’accélérateur. Mon cœur battait la chamade et mes yeux étaient embués de larmes. Un son de sirène retentit. Je serrai encore plus fort le volant de la voiture. Je ne m'arrêterais pas. Je ne pouvais pas m'arrêter. Je devais partir aussi loin que les quelques gouttes qui restaient au fond de mon réservoir pourraient me le permettre. Chaque fois que je faisais le plein, je me sentais coupable de laisser une empreinte carbone toujours plus grande. Je ne le remplissais donc pas complètement et je remettais la pompe sur son socle dès que la barre des cinq dollars était franchie. D’où le réservoir presque vide avec lequel j’avais l’habitude de conduire.

J’essuyai mes larmes d’un revers de la main. Mes yeux me piquaient à cause du mascara qui en dégoulinait. J’étais sur le point de sortir de la ville. Les ténèbres se profilaient devant moi. Derrière moi, je laissais la douleur. Et, maintenant, j’étais aveuglée et agacée par des lumières dignes d’une discothèque.

J’avais planifié ma fuite vers une nouvelle ville, un nouveau quartier et un nouvel appartement loin de Charleston, mais cela n’empêcha pas une sonnerie de retentir. On me contactait par la radio. J'appuyai mon doigt sur l'écran pour répondre à l'appel.

— C’est toi qui conduis comme ça, Millie ?

J’entendis la voix de Dave résonner dans ma voiture. Je me rendis très vite compte qu’en quittant la ville j’avais oublié d’inviter Madame Chance à venir avec moi.

— Euh… non ?

— Millie, tu vas te tuer si tu continues à rouler comme ça. Arrête-toi, maintenant !

J’avais une chance sur un million pour que mon ex-petit ami, Dave ‒ le seul homme que j’ai jamais aimé ‒ soit le policier qui me surprenne en excès de vitesse. Mais ce n’était pas comme si c’était la première fois que ça m’arrivait. Si le destin avait essayé de m'envoyer une sorte de signal, alors il avait un drôle de sens de l’humour. Ou alors, il cherchait à me punir de l'avoir ignoré.

— Je ... je ne peux pas.

— Millie ? Écoute-moi, s'il te plait. Si un autre policier que moi te voit, tu iras en prison. Tu roules soixante kilomètres/heure trop vite !

Est-ce qu’il était en train de me dire qu’il n’allait pas m’arrêter ? Et merde ! Et si je voulais être arrêtée, moi ? Peut-être que rester derrière les barreaux d’une cellule était plus sûr que de vivre dans le même monde que… Oh, mon Dieu, je ne pouvais même pas penser à son nom sans sentir des frissons me parcourir les bras.

— Si tu ne veux pas le faire pour toi, lors fais-le pour moi.

Pour lui ? Comment osait-il me demander de lui rendre un service après ce qu’il m’avait fait subir ? Si ma vie avait été bouleversée, c’était bien à cause de Dave. Je ne lui avais jamais dit pourquoi je l'avais quitté. Je ne le pouvais pas.

— Je ferai du bénévolat au refuge, me dit-il pour essayer de me convaincre. Comment avait-il fait pour savoir qu’il y a deux semaines, j'avais commencé à me rendre régulièrement dans un refuge pour animaux pour y nettoyer les cages, et pour nourrir et donner des médicaments aux chiens ? Ma tête me faisait tellement mal. J'étais si fatiguée. Ma vie était tellement sans dessus dessous que j’allais exploser si une autre chose se décidait à aller de travers aujourd’hui.

Le moteur fit un drôle de bruit.

— Non, pas maintenant !

Je frappai le volant avec mon poing. Mes articulations craquèrent. Je venais probablement de me blesser les doigts.

Il y eut un autre bruit et la voiture rendit l’âme.

— Sale traître ! hurlai-je en m’en prenant au tableau de bord.

J’arrêtai ma vieille Jetta sur le bord de la route. Je renversai ma tête en arrière. J’attendais patiemment que mes nerfs lâchent. Le coup que Dave frappa contre la vitre, bien que doux, me surprit. Dave me fit signe de la baisser. J’obtempérai. Le frais vent de l’automne remplit la voiture et nettoya l’air vicié que je respirais depuis bientôt trois heures.

— Salut.

Il y avait de la peur dans ma voix.

— Je suis désolée. Je ne m’étais pas rendue compte que je roulais aussi vite.

— Tu roulais soixante kilomètres/heure trop vite, Millie.

— Tu me traites de menteuse, c’est ça ? Si je te dis que je ne m’en suis pas rendue compte, alors ce que je ne m’en suis pas rendue compte.

J’avais décidé de frapper Dave en plein cœur pour l’éloigner. Je voulais juste être seule. Je devais juste m’en aller et disparaître. Survivre en ne comptant que sur moi-même n’était pas un nouveau concept pour moi. C’était même l’une de mes plus grandes compétences. De cette façon, personne ne pourrait me faire du mal. Accuser Dave était le moyen le plus rapide d’obtenir ce que je voulais, même si cela devait me faire passer à ses yeux pour une sale garce. Je n’avais qu’une envie pour le moment : fuir aussi loin que possible de la ville. Je savais que Dave se sentait encore coupable de ce qui s'était passé l'hiver dernier. Pire encore, il ne savait même pas pourquoi j’avais rompu avec lui — encore une fois. J'étais officiellement la petite amie la plus merdique de tous les temps. Nous avions quand même réussi à passer deux bons mois ensemble avant que ma vie s’écroule comme un château de cartes — encore une fois.

J'essayai de battre mes cils, mais ils restèrent collés. Est-ce que j’avais de la colle dans mes conduits lacrymaux ?

Dave avait cette expression sur son visage qui voulait dire oh non, pas encore. Sa mâchoire se contracta et ses traits se durcirent. C’était un policier qui inspirait le respect et il ne laissait personne lui chier dans les bottes… sauf moi. J’avais beau faire n’importe quoi, il ne se mettait jamais en colère. Il m'avait toujours protégée, toujours pardonnée. C’était une promesse qu’il m’avait faite il y a longtemps et qu’il avait tenue.

— Tu vas me coller une amende ? lui demandai-je.

— Pourquoi est-ce que tu roulais trop vite ?

Une voiture passa à côté nous et ralentit. Je sentis des frissons me parcourir les bras. J'essayai de me contorsionner pour voir le visage de la personne derrière le volant, mais Dave me bloquait la vue avec ses muscles surdimensionnés.

— Euh, j’avais du plomb dans mes pieds. Je pense que c’est à cause de mes chaussures.

— Okay, sucre d’orge. Sors de la voiture.

— Pourquoi ? Tu vas vraiment m'arrêter ?

— Non, je ne vais pas t’arrêter, mais vu que tu es à nouveau en panne sèche, je crois que ce véhicule ne te servira pas à grand-chose.

Il avait raison. Cela n’aurait pas dû me surprendre. Il avait toujours été le plus responsable de nous deux. Mon regard croisa le sien. Je remarquai que ses yeux étaient plus tristes que lors de notre dernière rencontre. Il avait l'air fatigué. Ses yeux étaient cernés et semblaient être enfoncés dans son crâne. L'aura lumineuse qu'il avait habituellement autour de lui avait disparu. Tout était de ma faute.

Dave tira sur la poignée de la portière et l’ouvrit pour moi, mais je restais assise dans mon siège.

— Tu es à une sacrée distance de la ville. Qu’est-ce que tu fous ici ? Il est tard.

Il jeta un coup d’œil à sa montre. Si nous avions eu cette conversation pendant un week-end, Dave n’aurait sûrement pas tiqué en constatant qu’il était onze heures du soir. Mais nous étions un mercredi, et j’étais censée aller au travail le lendemain matin. Après dix heures du soir, c’était trop tard. Même pour moi. J’avais d’abord parcouru la ville de long en large pour essayer de me perdre. Au moment où j’arrivais sur la route, trois heures s’étaient déjà écoulées et je ne l’avais même pas remarqué. Je voulais juste partir très loin, même si je ne savais pas où aller. Je voulais disparaître et être sûre de ne jamais revoir cet homme dans le magasin. Il avait déjà fait assez de dégâts comme ça dans ma vie.

Une autre voiture passa à côté de nous, mais plus lentement que la première. Cette fois, je me penchai ma tête vers la droite pour regarder derrière Dave. Le conducteur, ou plutôt la conductrice, était une femme blonde avec accompagnée de son jeune fils.

Dave étrécit les yeux.

— Allez, mon petit pois, monte donc dans ma voiture de patrouille.

— Hein ?

— Je ne vais pas te laisser toute seule perdue au milieu de nulle part. Je vais te ramener chez toi.

— Promis ?

— Oui, c’est promis. Je ne suis bientôt plus de service de toute façon. Justin peut venir chercher ta voiture et la ramener chez toi pour que tu puisses aller travailler demain matin.

Justin était le frère jumeau de Dave. Lui aussi était policier, et il avait tendance à être encore plus surprotecteur que Dave. J’ai peut-être eu de la chance ce soir parce que ce n’était pas Justin qui m’avait obligée à m’arrêter.

— Okay. Merci.

Je rampai jusqu’au siège passager du véhicule de patrouille de Dave. Je me déplaçai en gardant la position accroupie pour me cacher derrière la voiture. Je le fis sans presque m’en rendre compte. Dave passa un coup de fil au poste et nous retournâmes en ville. Je fermai les yeux. Plus le temps passait et plus je me rapprochais du siège de Dave.

Tiens bon, Millie. Tu es en sécurité.

Si jamais j’arrêtais de m’auto-encourager, j’avais peur d’ouvrir la portière, de sauter de la voiture, et de me mettre à courir dans l’autre sens. Une demi-heure plus tard, Dave s’arrêta dans l'allée, juste devant sa modeste maison à deux étages.

— Tu n’étais pas censé me conduire à la maison ?

— Je n'ai jamais dit de quelle maison il s’agissait.

Argh ! J'aurais dû savoir qu'il essaierait de profiter de mon désarroi pour me tromper.

— Tu as vraiment une sale mine, Millie.

— Merci, lui répondis-je avec une pointe de sarcasme dans la voix.

— En fait, tu as l’air de quelqu’un qui a vu un fantôme.

Il me lança un regard plein de sous-entendus. Il ne m’arrivait pas souvent d’avoir des crises de panique, mais quand c’était le cas, je provoquais des catastrophes.

— Reste chez moi et dors bien. Demain, tout te paraîtra plus clair. Je te promets de rester bien sage.

Est-ce qu’il était sérieux ? Dave avait-il vraiment renoncé à nous deux ? Je savais bien que j’avais suffisamment repoussé ses avances pour lui donner envie de garder ses distances avec moi pendant au moins mille ans, mais il était toujours mon ami. Il faisait ça uniquement par amitié, n’est-ce pas ?

— Tu veux juste que je passe la nuit avec toi, hein ?

Il leva les mains en l'air en me disant :

— Je te le promets. Je m'inquiète pour toi et je n’ai aucune arrière-pensée. Reste ici, Millie.

Je hochai la tête. J'étais trop fatiguée pour me disputer avec lui. Et puis, Dave avait une arme à feu et j'étais sûre qu'il l'utiliserait si jamais j'étais menacée.

Je le suivi à l'intérieur de la maison. Dave n’essaya pas de se rapprocher de moi. Il n’essaya pas non plus de me faire du charme, chose qu’il avait pourtant l’habitude de faire lorsque nous nous retrouvions seuls. Il me fit du thé à la camomille et me laissa prendre une douche en premier. Nous nous souhaitâmes bonne nuit et je pris la chambre juste à côté de la sienne. Je connaissais cette maison par cœur. Après tout, c’était là que je vivais avant que les choses tournent au vinaigre.

Comme j’étais épuisée, je m'allongeai sur le matelas et j’enfouis mon visage dans l'oreiller. Je respirai l’odeur de Dave, qui m’était si familière, et je sentis mon corps se détendre. Cela me calma. Mon Dieu, comme il me manquait ! Pour la première fois depuis des heures, je commençais à me sentir au calme et en sécurité. Je me blottis dans les draps et je tirai les couvertures jusqu'à mon cou avant de sombrer dans un sommeil sans rêves.


* * *


L'odeur du café me fit ouvrir les paupières. Je paressai un peu avant d’étirer mes bras et de regarder ma montre.

Merde !

Je sautai du lit. Je mis mes vêtements à une vitesse supra-humaine et je descendis les marches de l’escalier en courant. Je trébuchai et je faillis tomber tête la première sur le sol. Dave ne m’avait pas réveillée et j’étais en train de le maudire. Il était neuf heures et j’étais en retard au travail.

Je me figeai presque immédiatement lorsque je vis une petite femme blonde me tendre une tasse de café en bas de l’escalier.

— Bonjour, me dit-elle d’une voix enjouée.

Waouh ! Est-ce que je venais de me réveiller dans la mauvaise maison ?

Je regardai autour de moi pour chercher à me rassurer.

— Ah, salut, répondis-je avec méfiance.

— Je suis Gwen, me dit-elle en me tendant la main. Dave m’a dit que tu aimais le café bio.

— Ah, merci ?

Je pris la tasse et je trépignai.

— Il est sous la douche, mais il devrait être bientôt en sortir. Je dois aller au bureau.

Je remarquai alors que Gwen portait un costume bien repassé. Elle avait aussi très soigneusement brossé ses cheveux sans oublier d’être sexy. Quant à son maquillage, il était parfait. Je passai ma main dans mes cheveux en désordre. Je ne me sentais pas vraiment prête à rencontrer une autre femme chez Dave.

— Il m’a également dit de vous dire de ne pas vous dépêcher. Monsieur Mayers vous a donné un jour de congé.

Elle connaissait donc le père de Dave ? Mon patron ? Pourquoi n’avais-je donc jamais entendu parler d'elle ?

Je la regardai prendre son sac à main, faire disparaître un pli sur son costume comme si de rien n’était et partir. Elle avait une poitrine si généreuse que je me demandai aussitôt comment elle faisait pour se tenir aussi droite. Avec des seins pareils, elle avait sûrement déjà dû perdre l’équilibre. Gwen venait de m’abandonner au bas de l’escalier mais, pour la première fois de ma vie, je ne me sentais pas mal à l'aise chez Dave. Après son départ, je posai ma tasse sur le plan de travail de la cuisine et je laissai échapper un profond soupir. La surface était impeccable. Il n'y avait aucune tasse sale dans l'évier et un bol rempli de fruits coupés en petits dés avait été placé au milieu de la table.

Et leur histoire dure depuis combien de temps, au juste ?

Je ressentis un pincement de jalousie dans ma poitrine J'ouvris un des placards. En lieu et place des assiettes mal assorties de mes souvenirs, il y avait des assiettes empilées par taille, style et couleur. Merde. J’avais bien envie de la détester, mais son sens du rangement m’arracha un sourire. C’était impossible que Dave soit l’auteur d’une telle chose. Je m’assis à côté du plan de travail et j’observai la maison dans laquelle je n’avais pas mis les pieds depuis bientôt huit mois. Elle était différente. Quelque chose avait changé. Je n’avais plus ma place ici. Ma gorge se serra.

Détends-toi, Millie.

Dave et moi n'étions pas un couple. Nous étions amis et il en serait ainsi pour toujours. C'était mieux ainsi, même si mon cœur, qui n’était pas d’accord avec moi, battait à tout rompre dans ma poitrine. À cause de Dave, ma vie était devenue plus que compliquée. Je lui avais donné une seconde chance à Noël dernier et deux mois plus tard, tout était à recommencer. La nuit où j’aurais voulu qu’il ne soit pas là pour me protéger, il avait surgi de nulle part et avait changé ma vie pour toujours.

Je secouai la tête. Maintenant qu’il n’y avait plus personne pour mettre ma vie sans dessus dessous, je pensais pouvoir m’accommoder assez bien de la monotonie de mon quotidien et du défilé incessant des jours et des nuits. Cette nuit avait été une exception. Est-ce qu’il s’agissait d’une rechute ? Si c'était le cas, alors Dave n'avait absolument pas interféré dans mon destin. C’était bien la première fois. En fait, il m'avait même aidée.

Quelques instants après le départ de Gwen, Dave descendit l’escalier. Il avait mis un t-shirt et un jean. Des mèches mouillées collaient à son front, ses cheveux étaient en bataille, et sa braguette était ouverte. Il avait l’air être pressé. Il avait sans doute eu peur que je tombe sur Gwen et que je lui arrache la tête. C’est ce que j’aurais sûrement fait si je n’avais pas été aussi choquée de la voir aussi à l’aise dans son rôle de maîtresse de maison. Et puis, je l'aimais bien, en fait. Bien évidemment, je n’allais pas lui dire.

Il s'arrêta au bas de l’escalier. Exactement au même endroit que moi. Il me regardait avec des yeux de chien battu. L’espace d’une seconde, j’entrevis un peu de vulnérabilité dans ses yeux. Puis, elle disparut aussi rapidement qu’elle était apparue.

— Alors, quand est-ce que tu comptais me présenter Gwen ?

Il soupira et se dirigea vers le plan de travail de la cuisine où sa tasse de café l’attendait.

— Millie, ça fait plus d’un mois que je ne t’ai pas vue.

Ça faisait donc aussi longtemps ?

— Ben, tu sais ce que c’est… la vie, tout ça…

Oui, la vie ‒ une longue série de jours et de nuits qui se succèdent sans but.

— Exactement. Gwen est juste… Gwen.

— Et ça fait combien de temps que ça dure ?

— Quelques mois.

— Et elle a déjà emménagé chez toi ?

— Passer une nuit ici ne veut pas dire habiter ici. Pourquoi toutes ces questions sur Gwen ?

— Juste par curiosité. Je pensais qu’on était amis tous les deux.

— Nous n'avons jamais été amis, Millie. Nous avons plutôt été des amants, des âmes sœurs, ou parfois un plan cul l’un pour l’autre ‒ un sourire se dessina sur son visage pendant une fraction de seconde avant de disparaître ‒ mais pas des amis.

— Tu te trompes.

Je fronçai les sourcils. J’essayai d’oublier sa définition grossière de nos rapports. J’avais des palpitations au cœur.

— Nous devons être amis parce que, euh, Parker est notre filleul.

Parker était le neveu de Dave; et April, la sœur de Dave, était ma meilleure amie. En tant que parrains et marraines de Parker, nous étions en quelque sorte liés pour toujours par des liens de parenté. Parfois, je me demandais si April ne nous avait pas demandé de devenir le parrain et la marraine de Parker juste pour que restions ensemble.

— Ce n’est pas une raison suffisante. Pour quelqu'un qui croit en l'univers et au Destin, je suis surpris de la facilité avec laquelle tu tires un trait sur ce qui nous rapproche.

— Ta braguette est ouverte.

Il remonta sa fermeture éclair et prit une gorgée de café. Dave avait raison. Comme toujours. Il tenait à des valeurs et à des vertus qui ne s’accordaient pas vraiment avec ce monde en perdition. Il disait toujours la vérité et il prenait toujours les bonnes décisions — quand bien même il aurait été plus facile de tout balayer d’un revers de main. Il tenait parole, quelles qu’en soient les conséquences. Et puis, il était trop doué pour tout, et en particulier pour son travail. D’ailleurs, c’était cette dernière qualité qui était à l’origine de mes problèmes.

— Entre amis, on s'entraide. D’ailleurs tu es venu m’aider cette nuit.

— Je suis venu t’aider parce que je ne voulais pas qu’on te retrouve morte perdue au milieu de nulle part. Je l'aurais fait pour n'importe qui.

— Menteur. Si ça avait été une autre personne, tu lui aurais donné une amende et, s’il avait été en panne sèche, tu l’aurais emmené jusqu’à une station-service ou alors, tu aurais appelé un taxi, mais tu ne l’aurais pas ramené chez toi.

— Prends-le comme ça si ça te fait plaisir, me dit-il, complètement découragé.

C’était quoi son problème à ce type ?

— Alors on est amis, oui ou non ?

— Bien sûr.

Il me lança ensuite ce petit regard diabolique que je connaissais si bien. Oh non ! Il était sur le point de trouver l’argument ultime — celui auquel je n’allais rien pouvoir répliquer. Il se pencha en avant et avec un sourire sournois sur le visage, il me dit :

— Mais en tant qu’ami, laisse-moi te dire qu’un ami ne devrait pas vouloir tout le temps faire l’amour avec son amie. Il  ne devrait pas penser à elle quand il est avec une autre femme. Il ne devrait pas avoir une érection quand il pense à elle. Si cela fait de moi un sale con, eh bien qu'il en soit ainsi.

Bon, tout s'est bien passé, alors. Eh, attends une minute !

— Si tu n'es pas mon ami, alors qu'est-ce que tu es ?

— Honnêtement, je n’en sais rien. Je ne sais pas comment vivre sans toi, mais j'essaie. J’essaie vraiment.

Je soupirai. Et puis zut ! Notre relation d'ami était bien assez compliquée comme ça, et, ce matin, je n'avais pas la force de me disputer avec lui.

— Alors, comme ça tu as réussi à me négocier un jour de congé ?

Travailler comme secrétaire pour son père et sa sœur avait ses avantages, et avoir un jour de congé au pied levé en faisait partie.

— Je pensais que c’était le moment d’en prendre un pour toi. Tu fuyais qui, au juste ?

— Hein ?

— Allez, Millie. Tu sais bien que je te connais mieux que quiconque. Qu'est-ce que tu as fait ? Tu as crevé les pneus d’un motard ? Tu as baissé le pantalon d’un vieux pour égayer sa journée ? C'était quoi cette fois ?

Est-ce que son estime pour moi avait baissé à ce point-là ? Il était sérieux ? Après toutes ces années ?

— Peu importe, Dave. Je ne te dois aucune explication. Tu ne savais rien du tout il y a huit mois, et tu ne sais toujours rien maintenant, alors tes hypothèses, tu peux te les mettre…

Il n’eut à faire que deux enjambées pour se retrouver à côté de moi.

— Alors, dans ce cas parle-moi de tous ces trucs que j’ignore. Cela fait des années que je veux savoir ce qui se trame dans ta tête, et tu ne me laisse pas y avoir accès. Qu'est-ce que je t’ai fait, Millie, bordel ? Dis-le-moi, pour que je ne recommence plus les mêmes conneries.

Mes yeux s’embuèrent de larmes. Il était contrarié et il avait parfaitement le droit de l'être. Je n’allais pas pouvoir me taire plus longtemps. J’étais trop faible pour ça. J’en étais à peu près sûre.

— Tu essayais d’échapper à qui, hier ?

Il me toisa du regard. Puis, il leva le menton avec son doigt pour que je le regarde droit dans les yeux. Je vis une étincelle dans ses yeux : il avait compris. Je savais qu'il savait.

— C’était lui, n’est-ce pas ? Il n'était pas censé sortir de prison avant l'année prochaine.

Je me contentai de baisser la tête vers le plan de travail et je posai mes bras dessus. Les larmes coulèrent toutes seules.

Le parfait amour est disponible à:



Lacey est une auteure de romance érotique et contemporaine avec une touche de suspense. Quand elle ne pense pas à écrire des histoires torrides, ce qui se présente rarement, Lacey aime le camping et skier avec sa famille (pas en même temps bien sûr). C’est une femme mariée, mère de deux enfants, qui se sert de son mari pour mettre à l’épreuve les scènes les plus intimes de ses romans – ce qui ne semble pas le gêner du tout.

Elle aime le rose sur les joues d’une femme, les hommes avec de grands pieds et la lingerie sexy, surtout quand elle est arrachée du corps. Son vêtement préféré est le costume de naissance.