Poing de Croix
Bad Boys, Cowboys et Millionnaires
La série des Croix, Tome 4
Elle a quitté sa famille pour qu’il ne lui arrive rien.
Il a trahi son père pour lui éviter d’aller en prison.
Et ils ne sont pas au bout de leurs surprises.
Skyler Waters travaille pour le compte de l’un des hommes les plus puissants de Manhattan et elle est en danger. Mais pas pour les raisons que l’on croit. Elle a besoin de l’argent de son escroc de patron pour se mettre à l’abri d’un homme encore plus dangereux que lui : son demi-frère assoiffé de vengeance.
Soucieux de rétablir l’honneur de sa famille, Cash Wagner fera tout ce qu’il pourra pour réduire son père à l’impuissance et pour mettre un terme à ses agissements illégaux. Skyler Waters finira par devenir la victime innocente des manigances paternelles et Cash Wagner fera l’impossible pour la tirer d’affaire.
Les motivations de Cash, cet Apollon qui vient de mettre sa vie sans dessus dessous, sont peu claires, certes, mais Skyler se rend très vite compte qu’elle a beaucoup de choses en commun avec lui. Et lorsque l’occasion de se mettre à l’abri du besoin pendant des années se présente à elle, elle décide d’aider Cash une dernière fois
Ce qu’elle ne sait pas, c’est que ce travail l’attend depuis deux longues années.
Il risque aussi d’être le dernier.
Apprenez-en plus sur Skyler et Cash et sur leur histoire d’amour improbable. Rejoignez-les dans leur quête de paix et dans leur lutte conjointe pour semer et duper les criminels à leurs trousses dans Poing de Croix.
Avertissement : Ce roman est réservé à un public averti. Poing de Croix est le quatrième volume de la Série des Croix et il doit être lu de préférence après les trois autres qui le précèdent.
Disponible à:
La série des Croix
Un avant-goût de Poing de Croix:
Chapitre 1:
Le plus gros jackpot de l’histoire de Las Vegas allait être remporté ce soir, mais je ne voulais pas de ces trois cent quatre-vingts millions de dollars. Je devais me contenter des cinq millions de dollars que les machines à sous n’allaient pas manquer de bruyamment me donner un peu après minuit. Pour moi, c'était la seule façon de faire ce qu’on m’avait demandé de faire sans attirer l'attention. Une fois ce travail terminé, je serais payée. Ma part du butin serait bien suffisante pour m’offrir un nouveau système de sécurité. À vrai dire, je n’avais jamais reçu autant d’argent d’un coup.
Je n’arrêtai pas de faire les cent pas entre la porte et la baie vitrée qui allait du sol au plafond. Je surveillai l’horloge analogique qui était accrochée au mur du coin de l’œil. Plus je la regardais et plus j’avais l’impression qu’elle ralentissait. Les deux aiguilles qui brillaient dans le noir n’allaient pas tarder à se rejoindre sur le 12. Les lumières colorées de Las Vegas qui se trouvaient derrière la vitre illuminaient la pièce. J'aurais dû prendre plus qu’une demi-seconde pour m’arrêter et admirer l'horizon sous le ciel nocturne, mais je savais que je n’allais pas tarder à revenir au même endroit, mais dans un autre casino et pour une autre mission. Je tapotai le cadran de ma montre. L’aiguille des secondes continuait sa folle course. J’allais gagner mais cela ne me rendait pas nerveuse pour autant. Avec les instructions qu’on m’avait données, l’affaire était dans le sac ou presque. J’étais juste en train de m’interroger sans cesse sur mes capacités à détourner l’attention des gens autour de moi et à mener à bien la tâche qu’on m’avait confiée. Un homme qui aurait commis un meurtre en plein centre-ville et qui se serait retrouvé sans possibilité de s’échapper, parce que toutes les routes auraient été barrées, aurait sûrement éprouvé ce que j’étais en train d’éprouver. Je savais très bien ce qu’on ressentait dans ce genre de situations. Je mordis dans la barre de chocolat que j'avais prise juste avant dans le distributeur automatique situé dans le hall.
Ne te complique pas la vie. Prends l'argent. Va-t’en. Cela faisait deux ans que je me répétai silencieusement ce mantra. C'était le seul moyen pour moi d’assurer ma sécurité et de rester cachée. Les emplois que Monsieur Wagner m’avait proposés avant celui-là étaient suffisants pour survivre mais ils étaient loin d’être aussi rémunérateurs. Pour une personne sans éducation comme moi, avoir un travail était déjà une bénédiction.
Encore quelques minutes à attendre et Harry serait à ma porte. Je pouvais déjà entendre la sonnerie de la machine retentir et je pouvais déjà la voir en train de clignoter pour montrer à tout le monde que quelqu’un venait de toucher le gros lot. J'avais rencontré Harry au Starbucks qui était situé juste en face du Mirage. J’y étais venue trois semaines plus tôt pour voir si je pouvais y trouver des gens susceptibles de me prêter main-forte. J’avais « accidentellement » laissé tomber un billet de vingt dollars qu'il avait ramassé et qu’il m’avait rendu. Je sus tout de suite su qu'il était l’homme de la situation. Et puis, il s’appelait Harry, alors ça voulait dire qu’il ne pouvait rien m’arriver de grave. En théorie.
Je n’eus pas besoin de trop forcer sur mon charme féminin pour le persuader de me donner un coup de main. Quelques petits mensonges sans importance par-ci, quelques langoureux battements de cils par-là, et, attendri par mon numéro de demoiselle en détresse, Harry finit par accepter de m’aider. Dans ce travail, embaucher la bonne personne était une chose cruciale si on voulait ne pas y laisser des plumes. En général, l’attitude des gens ne manque pas de changer du tout au tout lorsque qu’on leur dit qu’ils peuvent amasser des montagnes de billets verts en une seule nuit. Ils commencent à devenir nerveux et ils vous posent trop de questions, et moi, je n’aime pas qu’on me pose des questions. Ce que j’aimais dans l’attitude de Harry, c’est qu’il prenait les choses comme elles venaient. Est-ce qu’il était défoncé le jour où nos chemins se sont croisés pour la première fois ? Je me l’étais parfois demandé. Mais je m’en fichais. Je pouvais me fier à mon instinct, et c’est tout ce qui comptait à mes yeux. Jusqu’à présent, et après deux années passées à me cacher, il ne m’avait jamais trahi.
Je sus dès notre rencontre que Harry était un gars gentil et attentionné. Il n’était pas du genre à me dénoncer ou à essayer de venir me retrouver après nos petites manigances. Hier soir, lorsqu’il m’avait ouvert la porte au moment d’entrer dans le restaurant, et qu’il s’était levé quand j’avais voulu aller aux toilettes, j’avoue que cela m’avait fait réfléchir. Je m’étais alors souvenue à quel point j’avais été heureuse avec un autre homme aussi honnête que lui; un homme qui avait été non seulement mon meilleur ami mais qui s’était aussi sacrifié pour moi et ma sœur. Harry appartenait à cette espèce rare. Il devait en avoir un sur un million. Malheureusement, il n’y avait pas de place pour un homme dans ma vie.
Je tournai les talons et je me regardai dans le miroir. Je remis en place la mèche de cheveux sombres qui tombait de ma perruque blonde.
— Et voilà, me dis-je en appliquant à nouveau du rouge sur mes lèvres.
Je contemplai mon reflet enduit d’auto-bronzant. La seule chose qui me chagrinait dans tout ça, c’était que Harry puisse se laisser séduire et abuser par ce rôle que je jouais, celui de la pétasse blonde. Laissez entrevoir à un homme la possibilité d’un rapport sexuel et il vous mangera dans la main. Je mordis à nouveau dans ma barre de chocolat. Au point où j’en étais, plus je me gaverais de sucre et moins j’aurais de mal à surmonter tout ça.
Je soupirai.
— Oh, et puis il finira bien par trouver quelqu'un qui appréciera sa galanterie. Quant à moi, je serai partie depuis bien longtemps, me dis-je.
Ce soir, grâce au jackpot de trois cents quatre-vingts millions de dollars, j’allais pouvoir m’éclipser tranquillement. Cela créerait une bonne diversion, et je pourrais partir une fois le virement effectué, c’est-à-dire… Je regardai à nouveau ma montre et je tapotai doucement son cadran… maintenant.
— Allez, allez, murmurai-je, les yeux fixés sur la porte.
Nous avions déjà quarante-cinq minutes de retard sur l’horaire prévu. C’était plus de temps qu’il n’en fallait pour aller récupérer le prix.
On frappa sur la porte le nombre de coups convenus avec le rythme qu’il fallait. Ils résonnèrent jusqu’au tréfonds de mon être. Ça y est, on y était. J’avais beau accumuler les missions, je n’arrivais jamais à me détendre. Mais comme je savais tenir ma langue et que j’étais naturellement douée pour voler, dérober ou subtiliser, mon patron disait à qui voulait l’entendre que j'étais la meilleure dans mon domaine.
Je faillis me faire un croche-pied toute seule en courant dans le couloir. Je mis mon oreille contre la porte.
— Qui est-ce? demandai-je.
J’avais déjà posé ma main sur la poignée.
— C'est Harry, Madame Dana, me répondit le jeune homme de vingt-et-un ans.
J'ouvris rapidement la porte et j’attrapai Harry par ses épaules carrées pour l’obliger à entrer dans la pièce. C’est à peine si ses cheveux lisses et mi-longs furent dérangés par cette brusque secousse.
— Qu’est-ce qui t’est arrivé ?
— J’ai gagné… On a gagné, je veux dire !
Il se fendit d’un sourire découvrant une rangée de dents blanches et parfaitement alignées. Ses fossettes se creusèrent profondément dans ses joues. Si seulement j’avais pu trouver le temps de relâcher ma vigilance. J’aurais pu me laisser aller à tomber en pâmoison en contemplant ses gracieux mouvements.
— Chut… Un ton plus bas.
Je jetai un coup d'œil à gauche et à droite dans le couloir. Il était vide. Je fermai la porte et je tournai la clé dans la serrure avant d’appuyer sur la poignée—juste au cas où. Elle ne bougea pas.
— Est-ce que tu leur as demandé de transférer les fonds comme je te l’avais dit ?
— Oui, Madame Dana, me répondit-il en attendant poliment la suite de mes instructions.
Les hommes comme Harry étaient sûrement une espèce en voie de disparition. J’avais vraiment décroché le gros lot quand j’étais tombée sur lui. Dommage que je ne puisse pas avoir recours à ses services une seconde fois. C'était ma règle. Un travail. Un type. Zéro témoins. Pas de contact.
Fais les choses simplement. Prends l'argent. Va-t’en.
Je m’assis devant mon ordinateur portable. Il me suffit d’appuyer sur quelques touches pour que tout soit terminé. Quatre millions neuf cent mille dollars. Cinq millions de moins que ce que nous avions convenu de donner à Harry. Je refermai l'ordinateur et je commençai à mettre mes affaires dans ma valise.
— Je n’avais jamais vu un million être gagné aussi vite.
Il me sourit de toutes ses dents pendant j’étais occupée à courir dans tous les sens. J'aurais pu penser à faire mes valises plus tôt mais j'avais préféré me ronger les ongles à la place.
— Comment est-ce que vous le saviez ?
J'ignorai sa question. Il était hors de question de parler de tout ça avec lui. Il ne fallait pas en parler n'importe qui. Et puis, il avait accepté mes conditions : pas de questions.
— Débrouille-toi pour ne pas tout dépenser d’un coup, Harry. L’argent ne tombera pas toujours du ciel comme ça.
Harry fit quelques pas dans ma direction. Il se balançait d’un pied sur l'autre. J'hésitai à le regarder. Je finis tout de même par relever la tête pour me perdre dans ses beaux yeux bleu-vert aux reflets argentés. Ils me rappelaient les miens qui, pour le moment, étaient cachés sous des lentilles de contact couleur noisette. Il avait suffi que nous échangions un regard pour que l’atmosphère de la pièce passe d’une simple transaction commerciale à une tension sexuelle à couper au couteau. Je ne savais rien des pensées qui étaient en train de traverser son esprit, mais j’étais à peu près sûre qu’elles n’avaient plus rien de pur. J’eus un aperçu du lion féroce que j’imaginais caché en lui et aussitôt mes poils se dressèrent sur mes bras.
— Madame Dana, euh, vous croyez que je pourrais…
Il hésita mais je savais ce qu’il allait dire.
— Si vous un peu de temps devant vous, vous voyez bien… Vous êtes un peu plus jeune que je ne le croyais. Et puis, je suis déjà sortie avec des femmes plus âgées, vous savez.
Je le regardai. Ses yeux se posèrent sur ma bouche complètement ouverte. L’expression de mon visage n’allait pas l’aider à cesser d’avoir le genre de pensées que je voyais défiler dans ses yeux. Il devait penser en particulier à mes lèvres rondes. Le renflement sous son pantalon était là pour le prouver et, à mon avis, il était en train de les imaginer se refermer autour de son sexe.
Oh mon Dieu ! D’où me venaient ces pensées ?
— Est-ce que je pourrai bientôt vous revoir ? me demanda-t-il sans prévenir.
— Harry, lui dis-je calmement et en parlant d’une voix plus grave, celle qu’une femme de trente-cinq ans doit prendre quand un jeune homme lui fait des avances.
J’avais peut-être un peu exagéré en me donnant sept ans de plus.
— Je suis flattée, mais nous avions passé un accord.
Ne me complique pas la vie. Par pitié, ne me complique pas la vie.
— Oui, évidemment, mais j'avais juste pensé que, vous voyez bien, comme nous avons si bien travaillé ensemble, peut-être que nous—
— C'est complètement impossible, chéri, lui dis-je pour jouer à la femme responsable. Je m’avançai vers lui et je lui tapotai la joue un peu plus fort que prévu.
— Tu es un chouette garçon. Un jour, tu rendras la fille qu’il te faut très heureuse, mais moi, je ne joue pas à la cougar.
Je me retournai pour mettre ma veste effet cascade sans manches afin de cacher mon décolleté. Je refermai ma valise à la hâte et je cassai un de mes faux-ongles. Les mâcher n'avait pas été une si bonne idée que ça, finalement.
Et merde ! Ce n’est pas comme si j’avais du temps pour la gaudriole.
— Nous allons faire comme nous avions convenu au départ, lui dis-je en lui faisant à nouveau face. À partir de maintenant, tu ne m’as jamais vue et tu n’as jamais entendu parler de moi. Fais comme si je n’avais jamais existé.
Je ne mâchais pas mes mots et c’était la meilleure arme que j’avais au point où j’en étais. Je ne pouvais pas me permettre de laisser entrer quelqu’un dans ma vie. Ni maintenant ni plus tard. Surtout si ce quelqu’un était une personne que j’avais engagée pour faire un seul travail—un seul.
— Ça aurait pu être bien, dit-il en soupirant et en reportant son regard sur la rue animé juste sous nos fenêtres.
Ça, je n’en doutais pas. Il était à croquer, et ses bras aux muscles saillants et son torse noueux étaient la cerise sur le gâteau. Mes joues s’étaient empourprées en entendant son alléchante offre portée par sa voix aux accents lubriques, mais j’avais fait en sorte de ne pas relever la tête pour qu’il ne s’aperçoive de rien. Oui, c’est vrai, il était plutôt bel homme et une femme de mon âge aurait eu toutes les raisons d’être attirée par lui. D’ailleurs, il n’avait pas l’air d’être aussi jeune qu’il le prétendait. Je m’étais déjà laissée aller plusieurs fois à l’imaginer sans son T-shirt hawaïen pendant la soirée. Il fallait bien avouer qu’il le remplissait plutôt bien. S’il avait porté un polo, il aurait très bien pu passer pour quelqu’un de mon âge, de mon âge véritable je veux dire. Je regardai une nouvelle fois sa silhouette à la dérobée. Je remerciai le ciel de n’avoir que son dos à contempler, occupé qu’il était à regarder les lumières de la ville.
Il était grand et svelte. Il avait aussi des cheveux blonds bouclés et des bras musclés—très musclés. De quoi pouvaient bien être capables ces bras-là ? Je me le demandais. Maintenant que je regardais Harry d’un peu plus près, j’étais forcé de reconnaître que son corps, absolument tout son corps, était un piège à femmes. Et je ne parlais même pas de ses fossettes qui se creusaient lorsqu’il souriait—argh—elles ne demandaient qu’à être embrassées. Je pensai alors à tous ces autres grains de beauté qu’il devait avoir ailleurs et une intense frustration sexuelle commença à s’emparer de moi et à me travailler. Une délicieuse montée d’hormones fit son chemin entre mon nombril et mes seins, mais je me repris très vite.
Qu’est-ce que Taylor dit dans ce genre de cas ? De se reprendre ? Je n’avais vraiment aucun temps à consacrer à des relations amoureuses sans lendemain ou à des histoires d’un soir. Et puis, ça ne m’intéressait pas. Ma vie était bien trop compliquée. J’aurais pu me trouver tout un tas de raisons pour ne pas m’attacher à quelqu’un, mais la plus importante et la plus évidente était la suivante : mon putain de demi-frère.
— Je suis sûre qu’il y a plein de filles qui adoreraient sortir avec toi. Tu n’as pas besoin de te compliquer la vie avec une vieille femme alors que des plus jeunes et des plus belles t’attendent dehors.
Des filles qui n’ont pas besoin de porter une perruque, d’avoir toutes les dents refaites, ou une prothèse nasale pour ne pas qu’on les reconnaisse.
— Merci, Madame Dana. Vous êtes la femme de trente-cinq ans la plus cool que j’ai jamais rencontrée.
Il me montra à nouveau ses dents impeccablement blanches. Il devait les blanchir tous les jours.
— Rentre chez toi, Harry. Ça a été un vrai plaisir de travailler avec toi.
Je lui tendis ma main. Il la serra bien fermement, mais la toucha avec une certaine délicatesse. Heureusement que les cheveux de ma nuque étaient cachés sous ma perruque. J’avais fait exprès de choisir Harry. Il respirait la bonté et avec lui, j’étais sûre de ne pas me faire baiser—du moins pas de la façon la plus désagréable pour moi. Mais je n’avais pas prévu que sa plastique de rêve me ferait autant d’effet. Je suais la culpabilité par tous mes pores. J’étais en nage. À ce régime-là, j’allais avoir besoin de prendre une autre douche avant de partir. Le problème, c’est que je n’avais pas le temps d’en prendre une.
— J’ai eu aussi beaucoup de plaisir à travailler avec vous, Madame Dana.
Sa voix rauque évolua en agréable murmure et il se dirigea vers la porte. Mon corps s’imprégna de chaque inflexion de sa voix. Elle m’avait touché au plus profond de mon être. Il y avait quelque chose d’étrange et d’intrigant dans sa façon de parler. Plus il ouvrait la bouche et plus sa voix devenait grave et profonde—ou alors, c’était mon cerveau qui était en train de me jouer des tours, parce que je voulais qu’il reste plus longtemps dans cette chambre d’hôtel avec moi.
— Hum ? Madame Dana ?
— Oui ?
— Si je peux faire quoi que ce soit pour vous, appelez-moi, s’il vous plait.
Il avait bien fait attention de mettre l’accent sur le quoi que ce soit.
— Bien sûr, lui répondis-je en souriant et en lui donnant de faux espoirs.
Dès que j’entendis les portes de l’ascenseur se refermer sur Harry, je laissai échapper un très gros soupir
Bordel de merde ! De toutes les missions qu’on m’avait confiées jusqu’ici, celle d’aujourd’hui était de loin la plus difficile. J’en étais même à me demander si je ne commençais pas à perdre la main. Je devais me ressaisir. Même si je savais que j’étais un peu à cran à cause de l’imminence de l’anniversaire, je ne devais pas me laisser aller. Je m’étais promis de laisser ma famille en dehors de tout ça, et j’allais tenir parole. Peu importe combien je souffrais de ne plus les voir. Je m’étais tenue éloignée d’eux, et, jusque-là, il ne leur était rien arrivé. Ce travail était l’une des rares choses qui m’avaient appris à me protéger. En le faisant, j’avais appris à passer inaperçue et à rester cachée. J’étais la souris que mon chat de demi-frère n’arriverait jamais à attraper. Pendant qu’il était occupé à me chercher, il se tenait éloigné de tous ceux que j’aimais.
Je chassai ces mauvaises pensées de mon esprit et je pris ma valise. Je me retournai une dernière fois pour contempler l’horizon lumineux avant de quitter ma chambre. Troisième partie de mon mantra : va-t’en. J’enfournai dans ma bouche le dernier bout de ma barre chocolatée. Je savourai le délicieux mélange entre le croustillant du biscuit et le fondant du chocolat. J’avais désespérément besoin de faire remonter le taux de sucre dans mon sang et cette dernière bouchée allait m’y aider.
Il y avait foule dans le hall du Mirage à cette heure-là. Exactement comme pendant la journée. Je signalai mon départ de l’hôtel via internet pour ne pas à avoir à passer à la réception. Si j’avais pu, j’aurais traversé en courant le hall aux dalles de marbre pour éliminer tout risque de mauvaise rencontre.
Ne panique pas ; personne ici ne sait qui tu es, pensai-je tout en me forçant à marcher droit devant moi comme si de rien n’était. Les roulettes de ma valise avaient vécu et oscillaient un peu trop à mon goût. Je me promis d’en acheter une nouvelle. Dissimulée sous mon énorme chapeau blanc, je fixai des yeux l’entrée de l’hôtel.
— Bonne nuit, me dit le portier en me souriant poliment.
Je le saluai d’un signe de la tête et me forçai à sourire.
Le brouhaha de la foule qui déambulait dans l’avenue me donna la chair de poule. Cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas savouré les plaisirs simples de la vie et que je n’avais pas pris le temps de me détendre. Je n’avais jamais trouvé le temps de m’amuser. À vrai dire, je ne m’étais jamais amusée. Mon vrai moi, en tout cas. Au lieu de cela, j’avais laissé le personnage que j’avais créé vivre la vie qu’on me refusait. Je n’étais pas du genre à coucher à droite et à gauche, mais si le travail l’exigeait et que le jeu en valait vraiment la chandelle, j’étais prête à donner un peu de ma personne et à satisfaire les mains baladeuses de mon partenaire s’il était suffisamment à mon goût. En général, cela suffisait à me mettre à l’abri du besoin et à donner satisfaction à celui que j’avais réussi à embobiner. Je ne pouvais pas me permettre d’avoir une aventure avec n’importe qui. Je ne pouvais décemment pas espérer mieux. Je me demandais bien pourquoi j’en étais réduite à me soulager avec ce vieux vibromasseur. Cela faisait si longtemps que je n’avais pas profité des gestes experts d’un homme sexy ; je commençais même à me demander si je savais encore comment faire l’amour. Peut-être qu’il était temps de changer les piles de mon vibromasseur…
Mon vagin allait devoir prendre sa retraite si je restais coincée dans l’ornière de l’abstinence. Il s’était rappelé à mon bon souvenir quand j’étais avec Harry et il m’avait dérangé. J’étais toute humide et traversée par des frissons d’excitation. Comme si j’avais du temps à consacrer à ce genre de choses ! Je ne pouvais pas me permettre de relâcher ma vigilance. Du moins, pas avant que cet argent soit passé dans d’autres mains. Mais je devais vraiment me pencher sur la question avant qu’on me donne un nouveau travail à faire—sinon, j’allais prendre de mauvaises décisions, ce qui finirait par me coûter la vie. C’était mon impression, du moins.
J’avançai en direction de la limousine qui était garée au bord du trottoir. Le chauffeur mit ma petite valise dans le coffre du véhicule. Est-ce que les gens dormaient dans cette ville ? Évidemment que non. En ce qui me concernait, j’aurais très bien pu dormir debout.
On voyait des couples se promener main dans la main. Ils riaient et s’amusaient. Pendant un court instant, peut-être une demi-seconde, je laissais mon esprit divaguer en m’imaginant à quoi pouvait ressembler une vie normale avec un petit ami respectable et un emploi stable. Mais ma vie n’avait rien de normal. Il valait mieux que les gens en sachent le moins possible sur moi. Et puis, je n’étais pas encore prête à passer à autre chose. Le serais-je un jour ?
— Emmenez-moi à l’aéroport, s’il vous plait, dis-je au chauffeur.
— Mais avec plaisir, me répondit l’homme d’âge mûr en me fixant du regard un peu trop longtemps à mon goût.
À ce moment-là, je m’en voulus de ne pas avoir pris le temps d’enfiler un jean. Je serrai donc les cuisses en les étirant au maximum pour éviter qu’il ne regarde trop ma mini-jupe et aussi ma petite culotte. Et puis, je ne faisais pas confiance à la vitre fumée qui nous séparait. Avec cette jupe trop courte, j’allais malheureusement devoir supporter beaucoup de regards indiscrets. Jusqu’à arriver chez moi. Là, je pourrais redevenir Skyler Waters, une jeune femme de vingt-huit ans.
Disponible à:
Lacey est une auteure de romance érotique et contemporaine avec une touche de suspens. Quand elle ne pense pas à écrire des histoires torrides, ce qui se présente rarement, Lacey aime le camping et skier avec sa famille (pas en même temps bien sûr). C’est une femme mariée, mère de deux enfants, qui se sert de son mari pour mettre à l’épreuve les scènes les plus intimes de ses romans – ce qui ne semble pas le gêner du tout.
Elle aime le rose sur les joues d’une femme, les hommes avec de grands pieds et la lingerie sexy, surtout quand elle est arrachée du corps. Son vêtement préféré est le costume de naissance.